Login

Le laurier-tin

Les piqûres du thrips des serres entraînent une décoloration caractéristique des feuilles qui deviennent plombées aux reflets argentés.PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Arbuste méditerranéen sensible aux gels et excès d'eau, le laurier-tin affronte sans difficulté son cortège d'ennemis, mais doit faire face à une nouvelle menace : Phytophthora ramorum.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

PORTRAIT DE L'ARBUSTE

Originaire du pourtour méditerranéen (Europe méridionale, Afrique du Nord...), le laurier-tin, encore appelé viorne-tin ou fatamot (Viburnum tinus), est aujourd'hui très largement répandu dans les jardins du sud de la France. L'arbuste peuple la garrigue et les sous-bois de la forêt méditerranéenne – où il se montre parfois envahissant – et se trouve naturalisé dans les régions du Sud-Ouest et de l'Ouest. Il offre un port compact arrondi et atteint les 2 à 3 mètres de haut (jusqu'à 4 mètres dans des conditions de grande fertilité du sol). Sa vitesse de croissance reste modérée, mais sa longévité est grande (plus de 40 ans). Ses feuilles persistantes de couleur vert foncé sont lustrées sur leur face supérieure et velues au revers. À l'aisselle des nervures, se trouvent des dépressions pileuses nettement visibles. En cours de saison, ces domaties foliaires (*) hébergent des colonies d'acariens phytoséiides réputés pour leur activité prédatrice vis-à-vis des acariens nuisibles, des thrips ou des oeufs de cochenilles. Les jeunes pousses sont velues et rougeâtres, alors que l'écorce ancienne est grisâtre, et parcourue de lenticelles. La floraison du laurier-tin s'étale sur une longue période, de février à juin. De volumineuses inflorescences en corymbes serrées portent une multitude de fleurs blanches. Au cours de l'été, des petites baies rondes d'un bleu noir luisant – renfermant chacune une seule graine (drupe) – arrivent à maturité. Très appréciées par les oiseaux qui dispersent ainsi les graines, elles sont fortement purgatives et provoquent d'importants troubles digestifs chez l'Homme. Les lauriers-tins s'utilisent très souvent dans les parcs et les jardins pour la constitution de haies, notamment les haies vives en association avec d'autres arbustes. Plus rarement, ils forment des ensembles monospécifiques régulièrement taillés (haies mitoyennes). Parfois, ils trouvent leur place dans des massifs arbustifs ou sont conduits en haute tige et formés « en boule ». Ils acceptent également d'être mis en potées sur des terrasses, mais leur développement est alors très limité. La taille ne les perturbe guère ; elle mérite d'être réalisée au printemps pour profiter de la floraison survenant sur la pousse de l'année. Ces arbustes se recèpent facilement et il leur arrive de drageonner. Le seul reproche qu'on pourrait leur faire est d'émettre une odeur peu agréable, notamment par temps de pluie. De nombreux cultivars existent parmi lesquels : 'Variegatum' au feuillage panaché de jaune, 'Macrophyllum' aux grandes feuilles et 'Purpureum' aux jeunes feuilles de couleur bronze.

SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES

Plante méditerranéenne, le laurier-tin demeure sensible aux fortes gelées hivernales capables de détruire entièrement la floraison. Les jeunes pousses endommagées se dessèchent alors et se recourbent « en crosse ». Conduit en pot, il est particulièrement vulnérable aux périodes de gel prolongé. En pleine terre, il se trouve sérieusement endommagé à partir de températures de l'ordre de - 15 °C. Malgré la destruction de la partie aérienne, un redémarrage est toutefois attendu à partir de la souche. En région parisienne, il est recommandé de choisir des espaces protégés pour la plantation du laurier-tin et de pailler le sol afin de protéger les racines.

C'est un arbuste au comportement héliophile avec une tolérance pour un certain ombrage. Dans un sous-bois trop peu éclairé, il se dégarnit assez rapidement et sa floraison se raréfie. Il supporte la présence des chlorures, que ce soit sous la forme d'embruns ou dans le sol. Les régions de climat doux et les jardins de bord de mer lui conviennent parfaitement.

Le laurier-tin se montre indifférent au pH du sol et il accepte même de fortes teneurs en calcaire actif. Il pousse correctement dans un sol sec et parvient à se développer dans les terrains superficiels. En revanche, il déteste les excès d'eau et les situations d'anoxie qui provoquent son dépérissement rapide ou favorisent l'expression de pathologies racinaires comme le pourridié à armillaire.

GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES

Pendant longtemps, cet arbuste a toujours affronté sans grandes difficultés son cortège d'agents parasitaires. Mais, depuis le milieu des années 1990, il semble être menacé par l'arrivée d'une nouvelle pathologie occasionnée par Phytophthora ramorum, mieux connue sous l'appellation inquiétante de « mort subite du chêne »...

Les affections foliaires

Sur les jeunes pousses en croissance, l'oïdium des viornes (Microsphaera viburni) peut se manifester lors de printemps chauds et sur des plants situés dans un environnement confiné. Un fin feutrage blanc recouvre alors les jeunes limbes qui se déforment et se cloquent ; le feuillage ancien est totalement épargné. Il arrive également que des taches rondes nécrotiques – plus sombres à leur périphérie – recouvrent les feuilles ; elles sont caractéristiques de la cercosporiose (Cercospora tinea), une maladie peu commune dans les jardins qui est favorisée par un temps humide. Parmi les insectes phyllophages s'aventurant sur les viornes-tins, l'espèce la plus commune est la galéruque de la viorne (Pyrrhalta viburni). Les larves de ce petit coléoptère discret entrent en action dès le début du printemps. Elles vivent au revers des jeunes feuilles qu'el les découpent généreusement. Les adultes pondent leurs oeufs à l'automne dans de petites incisions pratiquées sur les pousses de l'année. Une taille pratiquée au début de l'hiver permet d'éliminer l'insecte, mais elle supprime également la floraison. D'autres coléoptères, les otiorhynques – et notamment celui de la vigne (Otiorhynchus sulcatus) – endommagent les feuilles en pratiquant des encoches assez régulières à leur périphérie. Ces morsures réalisées par les adultes au cours de la nuit ne pénalisent pas les arbustes plantés dans les jardins. En pépinière, en revanche, la dépréciation esthétique des plants élevés en conteneurs est préjudiciable et il arrive que les larves de ces ravageurs se nourrissent des racines et du collet des plantes.

Depuis deux décennies au moins, un insecte piqueur-suceur se fait souvent remarquer sur les pieds de laurier-tin dans les jardins du sud de la France : le thrips des serres (Heliothrips haemorrhoidalis). En vidant les cellules épidermiques, il entraîne une décoloration caractéristique des feuilles qui deviennent plombées aux reflets argentés. Leur chute massive en fin de saison provoque un dégarnissement des plants qui resteront ainsi jusqu'à la reprise de la végétation au printemps. Plusieurs espèces de pucerons, dont celui des viornes (Aphis viburni), affectionnent les jeunes pousses en croissance. Sous l'effet de leurs piqûres répétées, les feuilles à peine formées s'enroulent et se crispent. Ces colonies d'aphides sont en général rapidement et efficacement régulées et ne prennent jamais trop d'ampleur.

Parasites et ravageurs des rameaux et des branches

Plusieurs espèces de cochenilles s'invitent sur les feuilles mais aussi sur les rameaux des lauriers-tins. Ce sont essentiellement des cochenilles à carapace (famille des coccidés). Les unes sont assez polyphages, comme la cochenille pulvinaire de l'hortensia (Eupulvinaria hydrangea) ou le pou des Hespérides (Coccus hesperidum), d'autres restent plus spécifiques (Lichtensia viburni). Ces insectes phloephages prélèvent de grandes quantités de sève élaborée et excrètent un épais miellat qui tapisse le feuillage. Leurs populations se trouvent généralement contenues grâce à une active régulation naturelle.

Particulièrement redouté, Phytophthora ramorum génère des nécroses sur les rameaux. En ceinturant les tiges, il entraîne le flétrissement puis le dessèchement des jeunes pousses. Les nécroses peuvent également gagner les pétioles et atteindre les feuilles. Essentiellement identifiée sur la strate arbustive en France (Viburnum et rhododendrons), cette maladie, si elle se développait, pourrait menacer dangereusement les essences ligneuses de la famille des fagacées (chênes, châtaigniers, hêtres...). Ce « scénario catastrophe » se déroule actuellement sur la côte ouest des États-Unis. En cas de doute sur la présence de cette pathologie, il est indispensable de contacter le Service de la protection des végétaux.

Les pathologies racinaires

En culture hors-sol, des Phytophthora racinaires peuvent s'exprimer sur les lauriers-tins, mais leur présence est rare dans les parcs et les jardins. En revanche, le pourridié à armillaire (Armillaria mellea) importune souvent les arbustes plantés. Ce mycète du sol, qui apprécie les situations humides et les terres lourdes, se développe fréquemment à partir d'anciennes souches ou de fragments de bois présents. Il infecte les racines et forme d'épaisses plaques mycéliennes blanches sous les écorces. Les arbustes atteints sont condamnés et se dessèchent soudainement en période estivale. Le champignon est capable de contaminer facilement les sujets voisins et il occasionne donc des dégâts importants dans une haie monospécifique. Seules des mesures d'éradication sans replantation peuvent s'envisager.

Pierre Aversenq

(*) Structure développée sur une feuille qui, en échange de bénéfices mutuels, attire des arthropodes. Ces derniers sont hébergés et les plantes sont débarrassées de certains de leurs déprédateurs.

Les piqûres du thrips des serres entraînent une décoloration caractéristique des feuilles qui deviennent plombées aux reflets argentés.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Encoches assez régulières à la périphérie des feuilles dues à des morsures d'otiorhynques.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Les morsures réalisées par les adultes d'otiorhynque au cours de la nuit ne pénalisent pas les arbustes plantés dans les jardins.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Les fortes gelées hivernales sont capables de détruire entièrement la floraison.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Héliophile, le lauriertin se dégarnit dans un sous-bois trop peu éclairé.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Le fin feutrage blanc de l'oïdium des viornes recouvre les jeunes limbes.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

La cochenille pulvinaire de l'hortensia (Eupulvinaria hydrangea) est assez polyphage.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Les larves de la galéruque de la viorne (Pyrrhalta viburni) entrent en action dès le début du printemps.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Les larves de la chrysomèle Pyrrhalta viburni vivent au revers des jeunes feuilles qu'elles découpent généreusement.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Le pourridié à armillaire (Armillaria mellea) infecte les racines et forme d'épaisses plaques mycéliennes blanches sous les écorces.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement